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Intelligence territoriale à Paragominas : la commune atteint les chiffres de déforestation les plus bas de son histoire

La déforestation en Amazonie brésilienne en 2020 accuse une hausse de près de 10% par rapport à 2019, selon l'Institut National de Recherche Spatiale (INPE). Dans l’Etat du Pará, l’augmentation serait proche de 25 %. Pourtant, au cœur de cet Etat, la commune de Paragominas a atteint les chiffres de déforestation les plus bas de son histoire. Sur ce territoire, la coopération scientifique franco-brésilienne, dans le cadre du dispositif de partenariat pour la recherche agronomique (dP Amazonie), accompagne le développement de pratiques agricoles durables sur des zones déjà déforestées et promeut la restauration des « paysages efficients ».

Si cette double démarche d’intensification des pratiques agricoles et de restauration forestière fonctionne à Paragominas, c’est que les agriculteurs ne cherchent plus à agrandir la surface agricole utile de leur exploitation. « En empêchant toute nouvelle déforestation depuis 2008, les autorités obligent indirectement les agriculteurs à s’adapter et à intensifier leur production sur les surfaces agricoles qu’ils possèdent déjà, » indique René Poccard-Chapuis, chercheur du CIRAD. C'est le point de départ de la restauration de paysages  efficients dans la commune, un partenariat entre la recherche, la mairie et le secteur privé.  

Les partenaires ont réalisé que la plus grande menace pour les forêts provient des techniques agricoles extensives généralement pratiquées dans la région au cours des dernières décennies. Aujourd’hui, l'intensification de l'agriculture conduit à se concentrer sur les meilleures terres, libérant ainsi des espaces pour restaurer les forêts dans des zones qui avaient été déboisées mais qui présentent une trop faible aptitude pour la production agricole.

Dans cette ambition de concilier la protection des forêts avec le développement économique et social, les partenaires développent une approche d'intelligence territoriale pour une gestion plus efficace de leurs paysages. Cela conduit à repenser l'organisation spatiale de la trame agricole et de la trame forestière dans les paysages, en combinant les usages du sol en fonction des aptitudes spécifiques du milieu. 

Les chercheurs aident la commune à cartographier ces aptitudes, avec les acteurs locaux. « Sur des zones déjà déforestées et présentant des aptitudes adéquates, les bonnes pratiques agricoles augmentent les revenus et le patrimoine des producteurs, explique René Poccard-Chapuis. Plutôt que de choisir des pratiques minières qui nuisent non seulement à l'environnement mais aussi au potentiel productif de la région, nous encourageons la transition vers des pratiques plus intensives conçues pour maximiser l'efficience dans l'usage des ressources naturelles. » 

Parallèlement, dans les ravines, les zones de pente ou les zones mal drainées, il est inutile d'investir dans une mise en culture. Il devient plus intéressant d’y créer un actif environnemental, en laissant les forêts se restaurer, y former des couloirs qui connectent les massifs forestiers créant ainsi une nouvelle trame forestière. Cette trame sera très efficace car elle protège les sols de l'érosion dans les zones de pente, protège le cycle de l'eau dans les ravines, valorise les zones mal drainées pour humidifier l'atmosphère grâce à l'évapotranspiration forestière, et offre également un habitat de qualité pour la biodiversité par la création de multiples couloirs forestiers. Tout cela sans frais, et surtout sans perdre de surface productive, seulement dans les zones de trop faible aptitude. Nous parlons d’actifs environnementaux, car cette restauration va plus loin que ce qu'exige le code forestier brésilien, qui ne prend pas en compte les aptitudes du sol, au contraire de l’agriculteur.

Ces travaux - menés en collaboration avec l’Embrapa, l’Université Fédérale du Pará, l’Université Rurale d’Amazonie - ouvrent de nouvelles perspectives pour le territoire : la construction d'un label de certification territoriale, garantissant avec transparence et fiabilité la progression du territoire vers la durabilité. Cette certification est attractive pour les investisseurs et les acheteurs responsables, qui ont besoin de sécurité territoriale pour opérer. 

La commune de Paragominas a été sélectionnée comme l'un des cinq territoires innovants bénéficiant d’un appui du projet TerrAmaz. Au cours de ce projet, avec le soutien financier de l'Agence Française de Développement (AFD), le CIRAD et ses partenaires du dP Amazonie vont étudier et accompagner le déploiement de ce type de démarches pour concilier agriculture durable et préservation des ressources forestières en Amazonie. 

Chiffres de déforestation de l’Amazonie brésilienne : une réalité très contrastée

Les chiffres avancés par l’INPE annoncent une déforestation de 11 088 kilomètres carrés sur toute l’Amazonie légale brésilienne, entre août 2019 et juillet 2020. C’est le chiffre le plus élevé depuis 2008. C’est aussi la troisième année consécutive de hausse depuis 2017 : 8 % en 2018, de 25 % en 2019, et de près de 10 % en 2020.

Selon René Poccard du CIRAD, « l’augmentation de la déforestation en Amazonie Légale masque en réalité un très fort contraste géographique. Il existe une Amazonie qui augmente ses déforestations, à un rythme beaucoup plus élevé que ces chiffres d'ailleurs, et une Amazonie qui cesse de déforester. » En effet, la hausse observée en 2020, de près de 10 %, est surtout concentrée dans le seul Etat du Pará. Les variations dans les autres Etats sont proches de la stabilité, certains légèrement positifs (Amazonas, Mato Grosso), d’autres négatifs ou stables.

« Si on descend au niveau des communes, seul un petit nombre est responsable d’une grande partie de la déforestation, » ajoute René Poccard. Les deux communes de Altamira et São Félix do Xingú sont responsables à elles seules de plus de 30 % des déforestations du Pará. Certaines communes, comme Paragominas, au contraire, atteignent une déforestation très faible : 10,75 km² en 2020, soit quatre fois moins que l'objectif fixé par l'État. C'est le résultat d'une gestion municipale de qualité, et cela ouvre de nouvelles possibilités pour l'intelligence territoriale.

Publiée : 22/12/2020